Les friches : symbole de libre évolution

La dynamique de l’enfrichement

Une friche est une terre laissée à l’abandon après avoir été exploitée par l’homme.  L’exemple le plus souvent évoqué est celui de la friche agricole. Les déprises agricoles sont les conséquences de processus complexes, associés à des crises socio-économiques, politiques et climatiques. La France compte 5,1 millions d’hectares de terres sans usages, c’est à dire sans exploitation agricole ou forestière.

L’enfrichement des milieux se produit sous l’influence de multiples facteurs locaux : le climat, le sol (souvent modifié par les pratiques agricoles ou forestières), les espèces présentes (plantes, pollinisateurs et disperseurs), les espaces modifiés qui les entourent, et bien entendu, la durée de libre évolution. Progressivement, les buissons recouvrent les herbacées, puis les arbres remplacent les buissons et, à long terme, les espèces arborescentes pérennes se substituent aux espèces pionnières (1).

Les facteurs qui vont jouer sur la dynamique de reconquête sont si nombreux qu’il est difficile de prédire les milieux qui se mettront en place. Mais il est clair que cette nature spontanée ne sera plus celle des écosystèmes qui seraient présents si l’homme n’avait jamais existé. Ils acquerront un état de maturité nouveau, qui va toutefois suivre les lois naturelles des successions.

Dans l’écrasante majorité des cas, les espaces ensauvagés se construisent avec la colonisation de la végétation arbustive et arborescente. 

La pollinisation favorise la diversité spécifique et la diversité spécifique favorise la pollinisation. Il s’agit ici d’un cercle vertueux dans lequel plantes et pollinisateurs vont de pair. Prenons l’exemple des abeilles. Chaque espèce de ces butineuses a des espèces floristiques de prédilection. De plus, les morphologies s’associent : par exemple, les bourdons à longues langues préfèrent les fleurs tubulaires. Les cultures monospécifiques constituent donc un réel problème en termes de conservation des espèces animales et végétales, car cela prive des pollinisateurs de leurs garde-mangers originels. Conserver la diversité sauvage des plantes revient donc à conserver leurs pollinisateurs, qui eux-mêmes assurent la viabilité de l’écosystème.

Le potentiel écologique

Les friches agricoles sont d’exceptionnels laboratoires du vivant, où peuvent apparaître de nouvelles espèces grâce à la dédomestication, où peuvent réapparaître des espèces disparues du fait de l’homme, et où se réfugient des espèces en conflit avec les humains (grands herbivores et grands carnivores, néophytes).

Enfin, ces lieux en « transition écologique » le long des successions, sont des sites de référence indispensables pour tous les gestionnaires face aux multiples bouleversements qui s’annoncent avec les changements climatiques. En les laissant devenir matures, ces espaces de nature férale deviendront les forêts naturelles de nos descendants. D’ailleurs, une récente thèse a montré que les jeunes boisements spontanés de Bretagne possèdent déjà une diversité taxonomique, fonctionnelle et phylogénétique qui préfigure la biodiversité forestière des forêts matures (2).

 

En les laissant devenir matures, ces espaces de nature férale, que sont les friches, deviendront les forêts naturelles de nos descendants. 

Tous ceux qui se donnent la peine d’observer les friches savent qu’elles sont de formidables lieux de vies foisonnantes, d’une extraordinaire diversité, de véritables espaces de reconquête par une nature spontanée, pleine de possibilités. Et elles sont bien sûr un stade indispensable de la reconstitution naturelle de forêts matures, qu’il faut impérativement ne pas détruire.

A. Schnitzler et J.-C. Génot

La nature férale ou le retour du sauvage - Jouvence nature - 2020

Références

 

1 – Schnitzler, A. & Génot, J.-C. La nature férale ou le retour du sauvage. (Jouvence nature, 2020).
2 – Morel L. 2018. De la ruralité à la féralité : Dynamique de recomposition des facettes taxonomique, fonctionnelle et phylogénétique des communautés d’espèces lors des processus de reboisement spontanés. Thèse. MNHN. 309p.

+ PDF note de JC Génot & Lois Morel

Fargeaud, K. & Gardiner, T. The effects of cutting regime on bumblebee queens (Bombus spp.) in sea wall grassland. (2018). doi:10.13140/RG.2.2.27086.77126.

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