Forêt et feu

Forêt et feu

texte traduit par JC Génot et en ligne sur le site de la European Wilderness Society

La relation entre forêt et feu est complexe. Elle présente deux aspects : la destruction et la régénération. Les feux peuvent être catastrophiques et ils sont aussi essentiels pour les écosystèmes forestiers. Des feux contrôlés élimine des débris secs,
favorise la régénération et améliore la biodiversité.
Cependant, des feux incontrôlés constituent une sérieuse menace, détruisant de vastes paysages, mettant en danger la vie sauvage, et compromettant des vies humaines. Le changement climatique exacerbe la fréquence et l’intensité de ces
incendies, nécessitant une meilleure prévention et des stratégies de gestion.

Pourquoi nous haïssons le feu en forêt?

Notre aversion pour les feux de forêt est liée à la potentielle dévastation qu’ils causent. Les forêts sont des écosystèmes complexes, grouillant d’une faune et d’une flore diverse, crucial pour le maintien de l’équilibre écologique de la Terre. Les feux
incontrôlés peuvent effacer de vastes parties de ces habitats inestimables, mener à une perte de biodiversité, provoquer des déplacements de la faune sauvage, ainsi qu’une dégradation des sols. Des vies humaines et des propriétés sont aussi
menacées quand les feux s’étendent de façon incontrôlable.
Historiquement, les forêts étaient vénérées, et les feux contrôlés étaient utilisés comme un outil permettant la croissance et le renouvellement. Cependant, dans notre civilisation avancée, les feux sont devenus synonymes de désastre à cause des
activités humaines, du changement climatique. En conséquence, le feu de forêt est devenu une crainte.

Il y a 9000 ans l’attitude de l’homme vis-à-vis des feux de forêt différait probablement de la perception actuelle.
Est-ce que l’homme haïssait les feux de forêt il y a 9000 ans?
Il y a 9000 ans, l’attitude des humains face aux feux de forêt était probablement différente de celle d’aujourd’hui. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs avaient compris l’importance du feu pour leur survie. Ils utilisaient une forme de feu contrôlé pour gérer le paysage, favoriser une nouvelle croissance de la végétation, et attirer le gibier pour la chasse. Les feux ont ainsi joué un rôle vital dans la structure des écosystèmes.
Ils respectaient et exploitaient les bénéfices du feu, et ils reconnaissaient aussi les dangers des incendies naturels, qui pouvaient menacer leur communauté et leur ressources. Cependant, avec une faible population humaine et une relation à la nature plus intime, leur rapport au feu de forêt relevait probablement de l’équilibre. L’adaptation et l’appréciation de la signification du feu étaient des éléments fondamentaaux de leur vie.

Est-ce que l’homme haïssait les feux de forêt il y a 3 000 ans?

Il y a 3000 ans, la relation des humains au feu de forêt a probablement été fonction de leur compréhension, de leur culture, et de leurs expériences. Très tôt les civilisations humaines ont reconnu le pouvoir et l’importance du feu pour la survie, utilisant les feux contrôlés pour des raisons diverses comme la chasse, l’agriculture, et l’ouverture des milieux. Cependant, ils craignaient aussi les feux non contrôlés, qui pouvaient détruire de précieuses ressources et menacer leurs communautés.
Les anciens mythes et le folklore représentent souvent le feu comme une force de la nature, représentant à la fois la création et la destruction. Tandis que des communautés pouvaient vénérer le feu, d’autres s’en méfiaient et même le craignaient. Avec des connaissances et des techniques limitées, l’atténuation des feux naturels était un défi, rendant leur impact plus redoutable.

Comment les gens perçoivent le feu aujourd’hui?

Aujourd’hui les perceptions des feux de forêt sont multiples. D’une part, nous reconnaissons le potentiel destructif des feux non contrôlés, occasionnant souvent des dommages immenses aux écosystèmes, à la vie sauvage, aux propriétés et aux vies humaines. D’autre part, la prise de conscience croissante de la nature a mis en évidence le rôle positif des feux contrôlés dans le maintien de la santé des forêts.
Les brûlis dirigés sont utilisés pour nettoyer les sous-bois, réduire les éléments combustibles et stimuler une nouvelle croissance, favorisant ainsi la biodiversité.

Conclusion

La forêt et le feu relèvent d’une interaction complexe entre ces deux éléments naturels. Les brûlis dirigés peuvent bénéficier aux forêts, mais les feux incontrôlés présentent des dangers significatifs.
Dans l’ensemble, les opinions contemporaines reflètent un mélange de peur, de vigilance et une appréciation de l’équilibre délicat entre l’exploitation des avantages du feu et la prévention des dommages potentiels .
La forêt que nous connaissons a survécu grâce au feu depuis des millénaires. Le feu a joué un rôle clé dans la survie des forêts à travers l’histoire. Le concept de brûlis dirigé a été développé par l’homme, non pas pour promouvoir la biodiversité mais pour minimiser les dommages causés par le feu.

Vlado Vancura
Société Européenne de la Wilderness

La lettre 26 Naturalité de Forêts Sauvages est parue !

La lettre 26 Naturalité de Forêts Sauvages est parue !

Allez ! Ne boudons pas notre plaisir. Voilà un numéro qui va nous mettre un peu de baume au coeur. Lorsque vous demandez à monsieur tout le monde chez les Belges de proposer deux parcs nationaux, ils vous en offrent sept avec de la surenchère dans la protection ! Donc oui, les habitants veulent des zones protégées. C’est plutôt rassurant !
D’ailleurs, une enquête sur les Français et la nature montre ce besoin de ressourcement, notamment grâce à la forêt.
L’affaire est entendue, nos différentes approches pour plus de préservation répondent à un réel besoin. Nous sommes sur une bonne voie.
Gilbert Cochet
Président

Voir la lettre de naturalité n°26 

 

Libre évolution et incendies : avantage ou inconvénient ?

Libre évolution et incendies : avantage ou inconvénient ?

Incendies et libre évolution 

Les incendies de l’été 2022 en France ont été d’une violence inouie. Il est donc normal après de tels épisodes de se poser des questions en terme de prévention. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des incendies doit-elle remettre en question notre souhait de développer les espaces en libre évolution ?
Voici quelques éléments de réponse.

Incendies : la monoculture en question

Citons Thomas Brail qui exprime une évidence à garder dans tous les esprits : « Ce qui se passe actuellement est emblématique : le massif landais est essentiellement composé de pins maritimes plantés par les humains, qui sont des arbres résineux extrêmement inflammables. Or, s’ils étaient mêlés à des arbres feuillus de différentes variétés, le feu progresserait moins vite, car ces essences-là sont plus chargées en humidité. Faites le test : arrachez une feuille de feuillu, prenez un briquet et mettez-y le feu, puis faites pareil avec une aiguille de pin ; vous allez très vite voir laquelle s’enflamme le plus vite. La diversification sert de pare-feux. Là, il n’y a pas de diversité au sein de ces champs d’arbres. » Philippe Canal, du collectif SOS Forêt, emploie les mots suivants : « pour avoir des forêts plus résistantes aux incendies, il n’y a pas de secret : il faut créer des forêts plus mélangées, avec notamment des feuillus en accompagnement du pin maritime. Après chaque catastrophe, cette préconisation est revenue… mais elle est toujours restée lettre morte. ». Quant à elle, l’évolution naturelle des forêts anciennes de la Teste de Buch, parties en fumée, a été vivement critiquée*. Pourtant, dans la forêt des Landes, beaucoup de pinèdes parfaitement entretenues ont été totalement détruites, au même titre que celles de la Teste de Buch au sous étage dense, ou que d’autres boisements embroussaillés. Pour certains forestiers et analystes, l’entretien de la forêt semble donc être là un faux débat, le critère majeur étant la puissance de l’incendie, avec des feux capables de tout emporter*. Il semble qu’une réalité s’invite de plus en plus dans ces sujets sensibles : la puissance de tir du discours dominant est rapidement contrebalancée par nombre d’avis éclairés paraissant dans plusieurs médias notamment sur internet, donnant au citoyen curieux des clés pour tirer ses propres conclusions. Autre réalité, autre lieu : les Canaries sont en proie à des sécheresses intenses depuis quelques décennies. L’incendie qui a ravagé 10 % de l’île de la Gomera en 2012 s’est arrêté aux portes de la forêt primaire. La densité du couvert forestier et le très gros bois mort y maintenaient une humidité relative ; la diversité des diamètres d’arbres et des strates de la forêt, cassa la force du vent.
Source : Angel Fernandez Lopez, conservateur du PN Garajonay à la Gomera (source : www.vieillesforets.com)

* selon les pompiers qui sont intervenus sur ce site, ils sont mieux arrivés à fixer le feu quand il y avait des feuillus que lorsque que les résineux dominaient (NDLR).

Bibliographie

Science, septembre 2022 : Monoculture plantations fuel fires amid heat waves by Jennifer Sills

Résistance et résilience :

les atouts de la futaie irrégulière face aux incendies

 (…) Un peuplement irrégulier est un peuplement avec des âges différents. Or, pour un arbre comme le pin maritime, plus un arbre est âgé, plus son écorce est épaisse et plus il est résistant aux flammes. Mélanger des arbres d’âge différents, c’est éviter de se retrouver avec des jeunes plantations de pin maritime de 10-20 ans, hyperdenses et qui constituent des poudrières. Pour le propriétaire, c’est réduire le risque de toute perdre.
(…) Un peuplement irrégulier permet d’avoir des arbres semenciers et donc d’avoir des peuplements plus résilients. Si le peuplement brûle, les cônes de pin maritime s’ouvrent et les graines germent. Le peuplement peut se régénérer naturellement. Pour le propriétaire, c’est moins de coûteuses plantations (et pour les coopératives, c’est moins de travaux et de plants à facturer, ce qui constitue le vrai nœud du problème). A Landiras, après la tempête de 2009, tous les semenciers debout ayant survécu ont été coupés, la parcelle « nettoyée » et replantée alors que l’option de régénération naturelle était possible. Une dizaine d’années après, tout a brulé. Sauf que cette fois-ci, les semenciers ayant disparu, l’option régénération naturelle est plus compliquée.
(Source : Sylvain Angerand, 14 septembre 2022) 

La question de l’entretien des forêts dans les incendies

  Prévenir ces feux passerait donc par une meilleure « gestion » des forêts, l’intervention de l’homme étant avancée comme la solution incontournable, allant ainsi à l’encontre de toute politique de protection stricte de la nature, de toute stratégie d’aires protégées en libre évolution.
À la lecture, ou à l’écoute de ces prises de positions, l’association Francis Hallé pour la forêt primaire a souhaité revenir sur le fond d’un
problème qui ne peut trouver de solution dans des pratiques de gestion qui, pour beaucoup, ont justement montré toutes leurs limites et
sont à l’origine même du délabrement des forêts et de la crise climatique.

Annik Schnitzler, membre de l’association, chercheuse associée au Muséum National d’Histoire Naturelle et spécialiste en écologie
forestière a bien voulu répondre à nos questions.

Redéfinir la place de l’Homme
Compte tenu de la responsabilité de l’homme sur les causes du réchauffement climatique et la survenue des grands feux – dont 90% sont
d’origine humaine – le contexte nous paraît avant tout propice à questionner notre rapport à la nature. Justement en Méditerranée, très
touchée cet été par les grands feux, les forêts bien conservées sont rares. La plupart des forêts sont jeunes et riches en pin d’Alep naturellement inflammable et pyrophile (dont la reproduction est stimulée par le feu). La pénétration humaine y est forte et les comportements irresponsables. Rien d’étonnant à la fréquence de feux dans ces zones. Or une forêt méditerranéenne dense et peu pénétrée ne brûle que très rarement à
l’état naturel. Quant au débroussaillage, il favorise la pénétration humaine et donc les risques de feux*.
Ces publications soulèvent une autre question essentielle : l’homme va-t-il « régler » la question du réchauffement climatique et en particulier la
question des mégafeux en restant dans un réflexe de gestion ? Il est permis pour le moins d’en douter. Surtout quand on sait que la forêt, présente depuis des millions d’années, a, elle, su s’adapter aux bouleversements climatiques tout en créant les conditions de notre vie sur terre.
La société actuelle privilégie l’artificialisation en réponse à l’artificialisation. Geste désespéré qui ne tient pas compte des résiliences
des forêts naturelles, qu’il faut laisser s’étendre au lieu d’intervenir. Les héritages anthropiques sont catastrophiques, notamment dans les zones
méditerranéennes, mais elles le sont aussi dans les régions aux latitudes plus élevées : fragmentation excessive des forêts qui limite les effets
bénéfiques de l’évapotranspiration et des aérosols initiateurs de pluies, perte de sols par érosion, enrésinement massif dans des écosystèmes naturellement feuillus, avec pour conséquence des sols plus inflammables car la litière y est plus hydrophobe.
D’autres facteurs importants des forêts naturelles ont été perdus dans les forêts surexploitées (donc plus jeunes, moins complexes au niveau de
l’architecture et dépourvues de bois morts) : les gros arbres qui agissent en dissipateurs de la chaleur, les sols profonds qui retiennent les eaux de pluie et les pluviolessivats lors des épisodes pluvieux, les sous-bois denses de feuillus qui entretiennent une atmosphère humide dans les sous-étages, l’absence de bois morts qui sont des accumulateurs d’eau…

 

Forêts en libre évolution : voir au-delà de la seule conservation

Compte tenu de ces multiples bénéfices des forêts en libre évolution – désormais bien documentés – au sein de l’association Francis Hallé pour la Forêt Primaire nous sommes convaincus qu’il est urgent d’adopter une nouvelle approche, résolument moins interventionniste, vis-à-vis de la
nature et de la forêt en particulier.
Il apparaît en effet, comme on vient de le constater, que la fonction de grands espaces forestiers préservés de l’exploitation humaine ne se limite
pas à la seule conservation. Les grands espaces en libre évolution déploient des solutions pour faire face au réchauffement climatique, notamment dans leur capacité à opérer une sélection des espèces les plus aptes à s’y plaire, en captant et en stockant d’immenses
quantités de carbone, en apportant de l’humidité dans l’atmosphère ou encore en stockant et en filtrant les ressources hydriques.
Enfin, concernant plus spécifiquement la question de l’accumulation de biomasse dans les massifs forestiers non exploités – souvent soulignée
comme un facteur de risque – nous avons vu que les bois morts secs sont certes inflammables mais la décomposition du bois génère de
l’humidité, en plus de l’évapotranspiration du feuillage (plus prononcée sous feuillus). Les gros bois morts en particulier sont riches en eau, qu’ils
restituent au sous-bois.
Quoi qu’il en soit, dans un cas dramatique de montée des températures trop brutale (à l’échelle des écosystèmes), aucune forêt actuelle ne pourra résister, qu’elle soit naturelle ou plantée. Il faudra laisser le temps faire son œuvre, sans garantie qu’elle puisse encore revenir. Il faut donc éviter d’en arriver là. Il est encore temps, c’est l’affaire des générations actuelles.

Il faut réensauvager les terres et les mers, en estimant les services de la nature à leur juste valeur. Et l’on pourrait ajouter que les aires protégées ou susceptibles de s’inscrire dans les stratégies nationales ou européennes de protection stricte doivent être d’emblée d’une superficie suffisamment grande pour supporter ce type de stress et éviter ainsi leur totale destruction ; c’est tout le sens de notre proposition de renaissance d’une forêt primaire en Europe de l’ouest.
Calculer la valeur du monde sauvage et les services environnementaux est déjà fait pour les fleuves. La gestion durable des forêts, où les arbres
sélectionnés sont abattus et emportés avec soi, en tenant compte des processus naturels – impliquant le respect des sous-bois et des sols – est
fondamental pour conserver la stabilité du système.
Propos recueillis par Éric Fabre et Ghislain Journé. association Francis Hallé pour la Forêt primaire

* il faut aussi souligner qu’en dehors du pourtour des zones habitées, le débroussaillage des forêts spontanées, des friches et des maquis est totalement irréaliste que ce soit par des moyens mécaniques ou par du pâturage (NDLR).

 

Créer une aire protégée sur son terrain

Créer une aire protégée sur son terrain

Vous êtes propriétaire d’un espace naturel que vous souhaitez protéger sur une longue durée ? Il existe un outil juridique récent, l’Obligation Réelle Environnementale (ORE), vous permettant de conserver votre propriété tout en préservant sa biodiversité. Cette protection environnementale officielle s’appliquera à tous les propriétaires successifs de votre terrain sur la durée que vous aurez décidée. 

Vous souhaitez protéger votre propriété avec une ORE ? 

La Coordination Libre Evolution  peut vous accompagner dans votre démarche. 

Merci de nous en dire plus sur votre projet afin que nous puissions vous recontacter rapidement.

Les associations de la CLE publient une tribune dans LE MONDE : « Face au dérèglement climatique et à l’extinction des espèces, il est urgent d’augmenter les surfaces d’aires protégées »

Les associations de la CLE publient une tribune dans LE MONDE : « Face au dérèglement climatique et à l’extinction des espèces, il est urgent d’augmenter les surfaces d’aires protégées »

Préservation des espèces, meilleure séquestration du carbone, risques d’incendie diminués… Détaillant les atouts écologiques et socio-économiques des espaces en libre évolution de la nature, un collectif de scientifiques et de responsables d’associations réunis au sein de la COORDINATION LIBRE EVOLUTION appelle, dans une tribune au « Monde », à accroître leur développement.

Voir l’article du journal Le Monde :

Publié le 23 décembre à 17h00, mis à jour à 17h00 Temps de Lecture 4 min.

Face à la sixième crise d’extinction des espèces, face au dérèglement climatique, qui a pris des proportions inattendues en France avec les feux de cet été, il est urgent de réagir pour adopter une stratégie adaptée aux enjeux et mieux protéger notre territoire. La France s’est fixé l’objectif de 10 % du territoire en protection forte d’ici 2030.

Cette notion française de protection forte ne correspond pas à la protection stricte souhaitée par l’Union européenne (UE), beaucoup plus protectrice. Cette dernière a élaboré une stratégie pour la biodiversité 2030 dans laquelle 10 % de chaque pays doivent être protégés de façon stricte, c’est-à-dire sans activité extractive (coupe de bois, pâturage, chasse, pêche).

On constate depuis longtemps que le pâturage de troupeaux domestiques et l’exploitation du bois sont admis dans les cœurs de parcs nationaux comme dans une majorité de réserves naturelles et la chasse se pratique dans les réserves naturelles, les réserves biologiques intégrales et certains parcs nationaux.

1,54 % du territoire bénéficie d’une protection dite « forte »

Or la protection forte devrait impliquer des aires protégées réellement consacrées uniquement à la nature et à ses processus écologiques évolutifs, non pas à ces usages. Aujourd’hui en France, moins de 1,54 % du territoire métropolitain terrestre bénéficie d’une protection dite « forte ». A ce jour, on peut estimer que seulement 0,6 % du territoire terrestre métropolitain français assure la libre expression des processus naturels (selon l’INPN).

Le pâturage par des animaux domestiques dans les parcs nationaux a de nombreux effets négatifs comme la régression de multiples plantes, l’érosion des sols, l’eutrophisation des lacs d’altitude et des prairies, la destruction des zones humides, la concurrence avec les ongulés sauvages (bouquetins, chamois, cerfs, mouflons) et la disparition des insectes à cause des traitements antiparasitaires des animaux domestiques avec des produits chimiques toxiques et rémanents.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Biodiversité : la COP15 au défi de protéger 30 % de la planète… et les 70 % restantsL’exploitation du bois fait automatiquement régresser les espèces strictement forestières, liées aux bois morts et aux vieux arbres. La chasse rend l’observation de la faune sauvage plus difficile, favorise artificiellement certaines espèces chassables, comme le sanglier, qui menace l’avifaune nichant au sol, ou comme le cerf, dont l’impact sur la végétation n’est pas négligeable sur des sols pauvres.

De réels sanctuaires de la vie sauvage

Enfin, la chasse peut entraîner des tirs illégaux sur les grands prédateurs (ours, loups, lynx), qui sont perçus comme des concurrents indésirables. Face au dérèglement climatique et à l’extinction des espèces, il est urgent d’augmenter les surfaces d’aires protégées mais surtout d’y développer la libre évolution sans exploitation forestière, sans pastoralisme, sans chasse et sans pêche.

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Ces aires protégées en libre évolution assurent une préservation efficace des espèces qui y vivent et favorisent le développement des processus écologiques spontanés sur le long terme (production primaire, herbivorie, prédation, nécrophagie, décomposition de la matière organique, perturbations…), ce qui tend à rendre les écosystèmes plus complexes et plus résilients.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés De nouvelles espèces marines menacées d’extinction : dugongs, corail cierge, ormeaux…Elles permettent également une meilleure séquestration du carbone dans la végétation ligneuse et dans les sols non perturbés. Enfin, elles remplissent réellement leur rôle de sanctuaires de la vie sauvage si elles accueillent des ongulés et leurs prédateurs (ours, loup, lynx) ou si elles favorisent leur retour sans conflit du fait de l’absence d’usages anthropiques, créant ainsi des réseaux trophiques robustes capables de réagir positivement aux changements globaux et assurant une prédation et une dispersion efficace des grands herbivores.

Un atout sur le plan socio-économique

Il est temps de montrer le rôle écologique du loup dans un écosystème naturel, capable d’exercer une limitation des effectifs d’ongulés sauvages par prédation et une dispersion des animaux toujours en alerte, les forçant à exercer ainsi leur impact sur la végétation de façon plus diffuse, ce que l’on appelle l’« écologie de la peur ». Ces aires protégées en libre évolution permettraient de mesurer les aspects bénéfiques directs et indirects du retour des grands prédateurs, notamment sur la régulation des populations d’ongulés et de mésoprédateurs et la régénération naturelle des forêts.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Un tiers des arbres de la planète seraient menacés d’extinctionElles sont également un atout sur le plan socio-économique, pour le faible entretien qu’elles génèrent, pour leur attractivité en matière de tourisme de nature, pour leur intérêt pédagogique et scientifique en tant que témoin face aux changements globaux, fournissant ainsi de précieuses informations pour une gestion des ressources naturelles soutenables dans les territoires voisins.

Du côté des incendies, rappelons d’abord que moins de 10 % des départs de feu en forêt seraient d’origine naturelle. Les risques d’incendies sont plus modérés dans les forêts naturelles, surtout si elles sont de taille importante, ce qui favorise les effets bénéfiques de l’évapotranspiration et des aérosols initiateurs de pluies.

Un questionnement sur notre domination de la nature

Excepté en haute montagne, les forêts naturelles sont le plus souvent constituées de feuillus, qui brûlent beaucoup moins que les résineux. Le bois mort, caractéristique des forêts en libre évolution, regorge d’humidité. Les gros arbres agissent en dissipateurs de la chaleur, le sous-bois et les différents étages de la végétation protègent le sol de la chaleur, les sols profonds retiennent les eaux de pluie…

Sur le plan éthique, la libre évolution nous questionne sur notre attitude de domination de la nature. Selon la philosophe Virginie Maris, la nature peut être vue comme une « extériorité » permettant de « borner notre empire » (La Part sauvage du monde, Seuil, 2018)Pour le philosophe Baptiste Morizot : « La libre évolution n’est pas une mise sous cloche, mais la préservation de potentiels évolutifs, de résilience et de dynamiques écologiques spontanées nécessaires en elles-mêmes et autour. »

Cet accroissement de la superficie des aires en protection stricte peut être le levier de dialogues indispensables et riches entre citoyens, associatifs, socio-professionnels et institutionnels et de réflexions partagées pour construire l’avenir même des territoires concernés par ces aires.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Pour protéger la biodiversité, des scientifiques appellent à des changements majeursDialogue aussi sur tout ce qui peut s’imaginer et se construire en articulation directe avec elles, comme autant de facteurs de développement local soutenable fondé sur des pratiques agricoles, sylvicoles, touristiques, artisanales, scientifiques, éducatives et sociales respectueuses de la nature. Pour notre avenir, redonnons de la place au vivant, offrons 10 % de la France à la nature en libre évolution.

Toby Aykroyd, directeur de Wild Europe ; Gilbert Cochet, président de Forêts sauvages ; Eric Fabre, cofondateur de l’Association Francis Hallé pour la forêt primaire ; Emmanuel Forichon, vice-président de France Nature Environnement (FNE) Midi-Pyrénées ; Jean-Claude Génot, vice-président de Forêts sauvages ; Marc Giraud, porte-parole de l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) ; Michèle Grosjean, présidente d’Alsace Nature ; Francis Hallé, botaniste ; Michel Jarry, président de FNE Auvergne Rhône-Alpes ; Salvatore La Rocca, coprésident de Lorraine Nature Environnement ; Jean-François Petit, président de Libre Forêt ; Julie de Saint Blanquat, présidente d’Etats sauvages ; Valérie Thomé, vice-présidente d’Animal Cross.

 

La libre évolution comme moyen de protection du vivant – Sortir des logiques de gestion permanente de la nature

La libre évolution comme moyen de protection du vivant – Sortir des logiques de gestion permanente de la nature

Sous la direction de Jérôme Blanc de l’Institut d’Etudes Politiques de Lyon, Lou Beben, étudiante en Master 1 vient de publier son mémoire sur le thème de la libre évolution : La libre évolution comme moyen de protection du vivant – Sortir des logiques de gestion permanente de la nature.

Partie I – Protéger pour exploiter ? Remise en question de la pertinence des
dispositifs de protection de la nature en France

Partie II – La « gestionnite aiguë » : un contrôle permanent sur une nature à mettre
en valeur

Partie III – « Quelle éthique pour la nature ? », des philosophies autour de la
protection du vivant politiquement clivantes…

A découvrir ici : voir le mémoire de Lou Beben

 

 

 

Restons en contact !

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